Il est encore temps de sauver Alstom du démantèlement !
Mercredi 23 avril au soir, pendant les vacances de Pâques, Bloomberg annonce le rachat d’Alstom par GE. Jeudi 24 avant l’ouverture des marchés, Alstom dément encore toute offre publique de rachat et lundi 28 avril au matin, les PDG des deux sociétés devaient célébrer en grande pompe le rachat par GE de la partie Energie d’Alstom, soit plus de 70% de ses activités, sans que son Comité exécutif et son Conseil d’administration (en dehors de quelques-uns de ses membres) ni l’Etat français n’aient été nullement associés à ce choix stratégique. « Une vente à Très Grande Vitesse » pouvait titrer un journal du week-end.
Sous la pression du Gouvernement (approuvé une fois n’est pas coutume par l’ensemble des responsables politiques), le décret sur les investissements stratégiques ayant été étendu à l’énergie et aux transports, ce processus en apparence irréversible a été freiné, un délai supplémentaire imposé pour étudier des solutions alternatives et sauvegarder les intérêts fondamentaux du pays et de l’entreprise. La situation d’Alstom peut être ainsi plus sereinement analysée.
Alstom n’est pas un groupe en difficulté comme ce fut le cas en 2004. Il fait des profits avec une marge opérationnelle et un résultat net rapportés au chiffre d’affaires supérieurs à ceux d’Airbus, et dispose dans beaucoup de domaines d’une position enviable sur les marchés mondiaux fondée sur des savoir-faire technologiques exceptionnels et une présence internationale ancienne, notamment dans les pays émergents. Alstom a deux problèmes : une force financière insuffisante pour se développer seul sur l’ensemble de ses métiers et une taille critique trop réduire dans le secteur des turbines à gaz. Aucun d’eux ne justifie que soit cédé le contrôle de ses trois divisions Energie, laissant isolée la division Transport qui, certes, a la taille critique sur son marché, mais ne disposerait pas du bilan financier pour conquérir des grands contrats à l’international (>1Mds€), se trouverait exposée aux retournements de cycle et deviendrait une proie facile pour un acquéreur étranger.
Pour traiter les problèmes à moyen et long terme auxquels est confronté Alstom, il suffit de revenir à la stratégie annoncée par le groupe en novembre dernier : développer des partenariats, y compris capitalistiques, au niveau de chacune de ses quatre divisions : des partenaires possibles, français ou européens ; existent aussi bien dans le secteur des énergies renouvelables que dans celui du transport ferroviaire ; certaines opérations étant bien avancées quand a été engagée de manière précipitée la négociation avec GE. Le groupe américain peut d’ailleurs trouver une place dans ce schéma à l’image du partenariat avec Safran dans les moteurs d’avion : il est le partenaire idéal d’Alstom pour les nouvelles turbines à gaz, les deux groupes étant dans ce domaine unis par une longue histoire interrompue à la fin des années 90, réglant ainsi le problème de taille critique d’Alstom dans ce secteur.
Une telle perspective, qui préserverait l’intégrité d’Alstom et le maintien en France de l’ensemble de ses centres de décision, est-elle encore envisageable ? Oui, à condition que son actionnaire principal, le groupe Bouygues, placé là par l’Etat en 2006 et qui n’a plus les moyens de soutenir financièrement son développement, y consente. Ou que l’Etat lui reprenne sa participation, dans l’attente d’une solution pérenne de rapprochement avec un autre groupe industriel idéalement français et présent dans d’autres secteurs d’activité à l’image des conglomérats historiques que sont GE, Siemens, Hitachi, Mitsubishi, Samsung, Hyundai… et que fut la CGE (Alcatel-Alsthom). La décision doit intervenir avant le 23 juin, échéance à laquelle le Conseil d’administration d’Alstom statuera sur les différentes opinions. Il est encore possible de sauver Alstom du démantèlement, mais il y a urgence !
Daniel FASQUELLE, Jean-Pierre DECOOL, députés
< Précédent | Suivant > |
---|